← Retour au blog

Un beau voyage

Il manque une application pour voyager sans voiture et sans Google.

publié le , mis à jour

Sans ordre de grandeur climat, on va dans le mur

Le projet futureco fut lancé en juin 2016 dans le but de donner des ordres de grandeur pour comprendre l'urgence climatique dans notre quotidien. L'écologie des sentiments est un désastre, comme l'illustra à nouveau Groland dans ce deuxième match écolo.

En 2023, je crois qu'il n'est pas trop optimiste de dire que c'est un certain succès : si je veux calculer mon empreinte climat dans une perspective globale annuelle, il y a nosgestesclimat.fr. Si je veux me renseigner sur l'empreinte d'un objet, d'une consommation en particulier, par exemple le streaming d'une vidéo ou la livraison d'un colis il y a impactCO2.fr, le petit frère de nosgestesclimat, également développé par l'incubateur des services numériques de l'ADEME.

Je veux calculer l'empreinte d'un vol d'avion, j'ai futur.eco/avion. Pour le ferry, j'ai futur.eco/ferry. L'État étant encore peu enclin à dire haut et fort que l'avion et le ferry polluent massivement, la société civile bouche les trous. Pour la piscine privée, j'ai futur.eco piscine. Et non des moindres, la bière.

Mais il n'y a pas que l'individuel ! me direz-vous. Même si c'est une fausse opposition, il est important de s'intéresser à cette perspective collective : pour savoir l'impact des 110 km/h sur autoroute, il y a futur.eco/national.

Ces sites que l'internaute consulte en toute autonomie sur son téléphone de poche, sont complétés par un tas d'initiatives plus ludiques et ancrées dans une expérience collective : Nos Vies Bas Carbone, 2 tonnes, MyCO2 et bien que non chiffrée et pas porteuse d'action à elle-seule, nous devons citer fresqueduclimat.org et toutes ses déclinaisons, pour son rôle dans la prise de conscience climatique.

En 2023, ceux qui cherchent trouvent. La diffusion massive dans les médias grand public, à la télévision, n'est pas encore atteinte. Mais quand même ! À elles seules, toutes les initiatives citées ici cumulent une audience de plusieurs millions de personnes, et cette audience croit. Sans une information de qualité sous forme de mille feuille adapté au niveau de connaissance, de motivation, d'éducation et d'orientation politique de chacun, on ne résoudra pas la crise climatique. On ne fera rien, et il y a même des chances qu'on fasse pire qu'aujourd'hui, point de PIB par point de PIB.

L'information dans l'action

Pour résumer : les français qui ne sont pas dans le déni savent que la voiture, l'avion, le ferry, la viande et la consommation de gaz détruisent le climat. Mais les faits statistiques de l'INSEE sont têtus : la consommation de ces services ne diminue pas assez du tout. La consommation de viande augmente. Le poids des voitures (thermiques pour l'écrasante majorité) vendues augmente. Le gouvernement, même présumé de bonne foi, n'ose pas prendre les devants pour planifier la décroissance de ces pollutions, par peur de perdre la faveur des urnes, ou pire, se prendre un coup d'État.

À croire que le coût des choses est complexe : savoir qu'une consommation émet beaucoup de CO2 ne semble pas suffire.

C'est dans cette perspective que nous avons exploré avec Bon Pote le coût en euros d'une voiture. Non seulement la voiture détruit le climat (dimension CO2), mais elle est un très lourd fardeau financier (dimension €). Oui, contrairement à un bon nombre d'idées reçues, baisser ses émissions de CO2, c'est la plupart du temps baisser ses dépenses.

La voiture, reine des pollutions climatiques

Face à ces désavantages bien connus, et malgré les forces qui tentent à tout prix d'en cacher le prix, il reste bien entendu que le prix assumé par les français pour se payer et faire rouler leur automobile se fait en contrepartie d'une praticité bien réelle : pour voyager, de l'achat de la baguette à 1 km, au weekend dans la maison de vacances à 300 km, en passant par le trajet du boulot à 8 km, la voiture est le couteau suisse de la mobilité. Il pèse une tonne cinq, coûte 5000 €/an, mais donne en échange de la simplicité.

Si l'écologie des sentiments est un désastre, s'il faut absolument des ordres de grandeur pour motiver et guider nos changements de mode de vie, il reste qu'il n'y a pas d'action écologique sans prise en compte de nos sentiments les plus profonds : le confort, les dynamiques d'appartenance à des modes, la complexité perçue de la gestion de nos petites vies à chacun.

Qu'on soit clair : je ne prétends aucunement que posséder et voyager en voiture est plus simple dans la globalité de ce choix de vie. Dans le récit numéro 1, nous avons omis de donner les ingrédients qui permettent de posséder et d'utiliser une voiture. Comme nous le disions plus haut : on paie, et on paie très cher. On finance les pires régimes terroristes de la planète. Pour avoir ce pognon de dingue, on travaille, beaucoup. En moyenne, plus d'un jour par semaine est consacré à payer la voiture du foyer.

Si vous n'en êtes pas convaincu, faites le calcul. Posséder une voiture n'est pas non plus exempt de complexité, de temps et de fatigue nerveuse, loin de là : répondre à 48 questions pour son assurance auto (qui à elle seule coûte plus cher que 20 trajets en TER) ; gérer les amendes, les engueulades, les accidents, les pannes, les réparations, le parking, les embouteillages... Mais une chose est indéniable : être dans la normalité, c'est rassurant, c'est simple.

C'est profiter d'un investissement colossal fait pour ce moyen de transport : 80 % du budget mobilité français va dans le système voiture, et il inclut notamment beaucoup de dépenses de l'État, donc nos impôts.

Du coût carbone et financier d'un km en voiture, à l'appli de voyage écologique

Malgré tout, il est donc plus compliqué de se passer de voiture. Une dose de renoncement est nécessaire. Il y a un déficit de budget, d'attention, de simplicité, et d'équipement informationnel du voyageur post-bagnole.

Tout le monde connaît Google Maps, l'application de voyage qui écrase ses concurrents, pensée pour la voiture avant tout, comme en témoigne sa carte par défaut où les routes automobile sautent aux yeux en jaune, les rails étant presque invisibles, où la suggestion de recherche par défaut est "Stations services" (comprendre : stations pour que les automobilistes puissent acheter du carburant fossile).

... ou encore sa proposition d'itinéraire par défaut, la voiture individuelle, sans jamais demander si on en dispose, d'une voiture.

Si l'application du géant du numérique évolue pour mieux prendre en compte les transports en commun et le vélo, elle reste loin d'avoir l'ambition de les proposer comme la façon normale de voyager. Et pourquoi le ferait-elle, alors que 92 % des foyers français disposent d'au moins une voiture en 2021 ?

Rappelons deux choses également : d'une, Google est états-unien, les États-Unis sont un pays où la voiture est bien plus consensuelle et incontournable qu'en Europe. De deux, Google est une agence publicitaire : son application Maps n'échappe pas à la règle, et la promotion des stations services répond autant à cette logique de monétisation que de besoin utilisateur.

L'application "universelle" de l'information transport est donc avant tout conçue pour la voiture individuelle, malgré ses nouvelle fonctionnalités transport en commun appréciable (par exemple, l'estimation de l'affluence dans les gares et les bus). À ses côtés dans le paysage des applications de transport, on a Waze, Mappy, Viamichelin, SNCF Connect, Organic Maps, CityMapper, Géovélo, Rome2rio récemment achetée par Omio, des centaines d'applications dédiées aux transports en commun locaux, etc.

Qwant Maps est probablement l'application Web de carto libre la plus aboutie, mais elle reste très basique, à l'image d'Organic Maps mais avec un meilleur moteur de recherche. Et puis elle a un problème : elle ne semble plus développée... Vous pouvez aussi tester OSMApp, clairement la meilleure interface libre activement développée.

Apple a compris tardivement l'importance de l'application de cartes, et propose aujourd'hui un super concurrent de Google Maps. Apple, pourtant, c'est aussi ce mastodonte privé qui décide de se lancer dans un bras de fer contre l'Union Européenne, lui reprochant de vouloir éviter les monopoles privés. Libre à chacun d'estimer sa confiance dans la transition écologique de cette entreprise qui pèse 3 mille milliards de dollars en bourse.

Chacun se fera son avis, mais nous pensons qu'aucune de ces applications ne répond correctement au besoin suivant : voyager sans voiture individuelle.

Bien sûr, SNCF Connect permet d'acheter un billet de train d'une gare à une autre. Mais ne comptez pas sur elle pour vous indiquer les possibilités de location de voiture (hors de leur partenariat juteux mais exclusif avec la multinationale Avis Budget) ou de vélo à destination, puis de vous proposer l'itinéraire des 10 derniers km ou même juste un plan des lignes de bus à destination, et peut-être une arrivée dans une autre gare d'arrivée si cela fait gagner une correspondance de 45 minutes contre 5 km de vélo en plus ! Géovélo propose de meilleurs itinéraires que les applications génériques, mais le train n'y existe pas, c'est une application vélo de A à Z.

Au-delà du manque d'investissement dans le voyage post-bagnole, il faut bien avouer qu'articuler tous les ingrédients qui permettent de se passer du couteau suisse voiture est une tâche complexe, avec un risque élevé de cramer beaucoup d'argent pour trop peu d'utilisateurs écolos, ou à l'inverse de ne pas trouver la recette magique qui les aide vraiment faute de données et de maturité des briques technologiques en jeu. C'était clairement le cas il y a 10 ans. Il nous semble que la donne a bien changé, et qu'une équipe de geeks dans un garage peut faire des merveilles.

Cartes, l'application Web

Ce projet pourrait s'appeler sansbagnole.fr. Mais ce ne serait pas exact : plutôt, sansbagnoleindividuelleouencovoiturage.fr, car la voiture électrique partagée ou louée sera un élément clef de la mobilité de demain. Un peu trop long, hein ? Et l'annonce du voyage sans voiture individuelle, bien que totalement en phase avec les objectifs climatiques que nous avons signés, sonne provocateur. Alors qu'il ne s'agit pas de provocation, juste de mettre en lumière et simplifier les alternatives.

Ce sera donc simplement "Cartes", à l'adresse cartes.app. Après un lancement sous le nom "Voyage", qui avait le défaut de sonner trop vacances et pas assez quotidien.

Voici les objectifs de ce projet, à ce stade :


Ce pari est une projection dans l'avenir, qui ne fera évidemment pas immédiatement le café. Cartes.app sera dans les premiers mois en version zéro point un, deux, trois. Comme nous le disions plus haut, une application qui calcule des itinéraires train + vélo ne séduira en 2024 qu'une extrême minorité des français. Probablement pas de quoi être rentable et donc de lever des fonds.

Pourtant, les scénarios de tenue de nos objectifs climatiques sont formels : la part modale du train, du vélo, des transports en commun doivent exploser, et celle de la voiture que les européens de moins en moins solvables ne peuvent plus se payer, baisser. Nous serons déjà là quand cet état de fait se cristallisera dans les consciences.

Bien sûr, nous n'aurons pas la richesse des avis de Google Maps ou Tripadvisor. En conséquence, nous ne participerons pas non plus à cette immense esbroufe où propulser un restaurant inexistant en numéro 1 des résultats londoniens de TripAdvisor est à la portée d'un journaliste un peu malin, où tout est faux et le sera encore plus à mesure que les GML détruisent la confiance d'un témoignage anonyme.

À part cela, tout reste à construire ! Testez l'application ici. Nous relaterons les avancées sur ce blog. Vos retours seront précieux. À bientôt !

✏️ Signaler une erreur